Retour des feux d’artifice dans le parc d’Enghien : la Ville signe en faveur de la cruauté animale

Des centaines d'oiseaux morts dans les rues de Rome après les feux d'artifice © OIPA

Très appréciés par les humains, les feux d’artifice ont malheureusement un impact très négatif sur l’environnement et sur les animaux : fugues, traumatismes, blessures, décès, accidents de la route… Alors que l’on croyait cette pratique dépassée, la Ville d’Enghien a pris la décision de le reprogrammer en plein parc à l’occasion du Banquet des Titjes.

Quand la fête vire au cauchemar

Si les feux d’artifice sont synonymes de fêtes et de célébrations dans notre imaginaire collectif, ils ont malheureusement des conséquences dramatiques sur les animaux de compagnie et sauvages. Les détonations violentes, qui peuvent atteindre 160 décibels, et les éclairs lumineux sont pour eux un véritable cauchemar : stress, fugue, traumatisme, blessures, accident de la route… arrêts cardiaques, décès.

En 2023, GAIA a recensé 11 animaux de compagnie décédés (ndlr : ne sont comptabilisés uniquement les décès déclarés) à cause de ces nuisances. La faune sauvage subit également de lourds impacts : chaque année, des explosions créent un vent de panique chez des centaines de milliers d’oiseaux, entraînant des morts par épuisement ou par collision.

Feux d’artifice : un véritable cauchemar pour les animaux”, campagne “Animaux en pétard”, Gaïa.

Pour exemple, chez les oiseaux, c’est un véritable massacre : il a été documenté des épisodes ponctuels de forte mortalité lors de feux d’artifice. En cause, des mouvements de panique ayant entraîné des collisions sur des vitres ou des bâtiments, des crises cardiaques et des nichées abandonnées par les parents…

En 2021, en collaboration avec l’Institut de recherche sur la nature et les forêts (INBO), nous avons lancé un site web public sur lequel chacun peut consulter ces informations de manière interactive : https://www.meteo.be/detectiondoiseaux. Il s’agit de profils d’oiseaux, c’est-à-dire d’une estimation de la densité des oiseaux en fonction de l’altitude.

Durant plusieurs années lors de ces mesures, nous avons remarqué qu’il semblait y avoir un pic inattendu dans le nombre d’oiseaux fin décembre et début janvier. Les recherches menées par le KNMI et l’Université d’Amsterdam ont démontré que ce que nous voyions sur ces images radar représentaient des oiseaux massivement effrayés par les feux d’artifice autour et pendant le réveillon du Nouvel An. Les résultats de cette recherche ont été publiés dans l’article scientifique “Birds flee en mass from New Year’s Eve fireworks” dans Oxford Journals. Par le passé, l’IRM a également publié quelques articles sur ce phénomène (ici, entre autres).”

(“Suivez en direct la réaction des oiseaux aux feux d’artifice !”, IRM)

TW : le contenu dans la vidéo qui suit peut heurter la sensibilité (oiseaux morts)

Polluants et dangereux pour la santé humaine

Les dégâts ne s’arrêtent pas là, les feux d’artifice sont une catastrophe pour l’environnement et la santé humaine puisqu’ils libèrent de grandes quantités de gaz (dioxyde de carbone) dans l’atmosphère qui contribuent à l’effet de serre. Mais aussi des millions de particules fines dont des métaux lourds (plomb, zinc, cuivre, strontium, lithium, baryum…).

Tous ces polluants contaminent nos écosystèmes en pénétrant dans les sols et les cours d’eau. En bref, un seul feu d’artifice correspond à la pollution engendrée par plusieurs milliers de voiture.

Enfin, les feux d’artifice ont également un impact direct sur la sécurité humaine : en 2023, la Fondation des Brûlés a dénombré 155 victimes d’accidents liés aux feux d’artifice occasionnant des brûlures et des blessures graves.

Ce que dit la loi
  • Les Directives Oiseaux et Habitats : les Directives européennes 2009/147/CE et 92/43/CEE imposent aux États membres et à leurs subdivisions d’éviter les “perturbations ayant un effet significatif” sur l’avifaune protégée. Des études scientifiques démontrent que les feux d’artifice constituent précisément de telles perturbations.

  • Le principe de précaution environnementale : reconnu par le droit européen et belge, il impose de s’abstenir d’activités potentiellement nocives en cas d’incertitude scientifique. Or, la nocivité des feux d’artifice n’est plus incertaine mais scientifiquement établie.

Une décision fumante

Ce mois-ci, le Collège communal de la Ville d’Enghien a décidé d’organiser à nouveau un feu d’artifice dans l’enceinte du parc à l’occasion de la fête nationale et du Banquet des Titjes. Pour rappel, le parc d’Enghien est classé au patrimoine majeur de Wallonie. En plus de ses incroyables structures architecturales et hydrauliques, il abrite un trésor de biodiversité. Une partie de sa faune luxuriante est reprise dans une liste d’espèces considérées de “valeur patrimoniale. Et, parmi celles-ci, certaines sont classées dans la “liste rouge (inventaire mondial créé par l’UICN ayant pour objectif de rassembler les informations sur les espèces menacées d’extinction).

Cette décision rétrograde crée la stupeur car elle fait preuve d’un enchaînement d’incohérences. En effet, ce retour en arrière s’effectue en totale contradiction avec l’ancienne ligne politique. Les feux d’artifice dans l’enceinte du parc avaient été supprimés pour des raisons environnementales et de bien-être animal.

Par ailleurs, la Ville d’Enghien communiquait sur sa page Facebook en décembre 2023 un message de prévention sur les nombreux dangers liés aux feux d’artifice. Et, si c’était la ligne politique de l’ancienne majorité, ce choix va à l’encontre de ce que promettait le programme électoral de la majorité actuelle.

Plus aberrant encore, l’échevine actuelle du bien-être animal, de l’environnement et du parc, Annelise Deville, est en désaccord avec cette décision.

Côté législation, une interdiction d’utiliser les feux d’artifice frappe les citoyen·es (règlement général de police), or la commune s’octroie le droit d’en organiser un elle-même. Une inégalité de traitement contraire au principe constitutionnel d’égalité : ce qui est interdit aux citoyens pour des motifs de sécurité, de tranquillité publique et de bien-être animal ne peut être autorisé pour la commune elle-même.

Enfin, alors que la majorité des communes belges (98% de celles en Wallonie) a interdit ou restreint l’utilisation des feux d’artifice, que 7 Belges sur 10 sont favorables à l’interdiction de leur vente, et que 85 associations réclament l’interdiction de leur commercialisation (enquête de Gaïa, 2024), la Ville d’Enghien opte pour utiliser le denier public à cette dépense.

Une situation regrettable qui aurait pu être facilement évitée par l’adoption d’alternatives festives respectueuses de l’environnement et du bien-être animal, tout en conservant l’esprit de célébration de la fête nationale.

Notre asbl PACS souhaite vivement que cette décision soit réévaluée en faveur de festivités plus responsables.

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